40 kilomètres à pieds... ça use les souliers !

Publié le par asie-2011

Après une nuit dans des lits assez durs, nous nous sommes levés vers 7H00 pour prendre un rapide petit-déjeuner. Une fois plus ou moins rassasiés, notre guide nous a emmenés au marché local pour faire quelques emplettes qui nous serviraient pendant notre aventure de deux jours. Certains ont investi dans un « k-way » assez sommaire pour se protéger de la pluie, et outre crackers et petits gâteaux au chocolat, nous avons acheté des bananes. Un fruit censé apporter force et magnésium.

 

 

Nous étions donc prêts à partir, armés de nos pantalons longs,  « chaussures de marche », polaires et k-way. Le guide local qui nous conduirait jusqu’au lac Inlé était lui aussi arrivé. Il faut préciser que la veille, il était arrivé à bout de forces, essoufflé, et a demandé à la réceptionniste un verre d’eau, sans lequel il ne serait probablement plus de ce monde.

Enfin, son léger surpoids ne nous avait laissé présager rien de bon. Cependant, dès qu’il nous eut parlé, sa voix douce et son anglais impeccable suffirent à nous faire changer d’avis. Sa candeur et sa gentillesse naturelle perçaient.

 

Nous sommes montés en voiture pour rejoindre le point de départ de notre trek. Sur la route, nous nous sommes arrêtés devant une grotte abritant une multitude de Bouddhas. Pour y entrer, il fallait comme d’habitude ôter ses chaussures, mais contrairement aux temples précédents, si le sol était trempé, s’y ajoutaient de la terre et des petits cailloux. Nous avons tant bien que mal progressé à l’intérieur et pu découvrir plusieurs sortes de bouddhas, de l’énorme entouré de son naga, au minuscule couché.

 

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Après 10 bonnes minutes de marche à l’intérieur, nous sommes ressortis de l’autre côté, les pieds nickelés et mouillés. Impossible de remettre chaussures et chaussettes. Heureusement que le guide local était là pour nous donner des informations sur la grotte. Elle aurait donc été occupée par des Japonais durant la Seconde Guerre Mondiale, et on y aurait même découvert des graffitis d’eux. Nous avons, une fois remontés dans la voiture, essayé du mieux que nous pouvions de nettoyer nos pieds avec des mouchoirs, mais sans grand succès.

 

Tant pis, nous avons vite remis nos chaussures et nos chaussettes, car nous étions arrivés au point de départ de notre trek. Il ne pleuvait pas, mais le temps était maussade, et les nuages noirs menaçants. Nous avons pris la route, et c’est à ce moment que nous avons pu constater que notre guide local possédait une très bonne foulée. En effet, peut-être était-ce en partie grâce à ses bottes en caoutchouc, qui lui permettaient de marcher dans la boue sans problème, mais dès qu’il voulait nous expliquer quelque chose, il devait nous attendre 20 ou 30 secondes. Il était par contre d’une amabilité extrême, nous expliquant ce qui était cultivé dans les champs, et comment poussaient les différentes plantes.

 

 

Le début de notre trek se déroulait à merveille. Malgré un léger brouillard et des nuages, nous pouvions tout de même admirer les paysages et les rizières qui s’étendaient à perte de vue. Sur notre chemin, nous avons rencontré des charrues tirées par des vaches ou des buffles, mais surtout, beaucoup de paysans travaillant la terre depuis le lever du soleil.

 

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Soudain, alors que nous marchions depuis 45 minutes, le léger crachin normand, qui tombait depuis une dizaine de minutes se transforma en déluge. Nous dûmes alors enfiler nos manteaux de pluie en vitesse. Cependant, ils ne servaient qu’à peu de choses, car nos pantalons et nos chaussures furent trempés en deux minutes. Néanmoins, cela n’était pour nous qu’accessoire. Le véritable problème résidait dans la qualité du sol. Celui-ci n’était fait que de terre, et l’innombrable passage des charrues et des carrioles avaient creusé deux profondes traces d’environ un 50 centimètres. Vous savez tous que quand il pleut, la terre devient… boueuse. Pour votre bien, nous n’avons pas pris de photos de nos pantalons ou chaussures pendant ce temps. Néanmoins, pour vous donner une idée, sachez qu’elles n’avaient pour couleur plus que le marron/orange de la boue. Sous nos semelles étaient agglutinés par moment jusqu’à vingt centimètres de cette boue, ce qui nous faisait glisser lorsque nous marchions, et qui provoqua plusieurs chutes… Enfin, nos pieds s’enfonçaient parfois complètement dans cette boue, laquelle s’infiltrait jusque dans nos chaussettes, qui devinrent rapidement elles aussi marron et trempées.

 

Cette épreuve dura 45 minutes. Pendant cette période, nous regrettions d’avoir choisi le trek, et pensions amèrement à la chaleur et à tous les problèmes que nous aurions évités si nous étions sagement restés dans la voiture. Notre guide local, qui lui avait prévu le coup et portait de grandes bottes en caoutchouc, nous avait annoncé une heure et demie de marche avant de rejoindre le premier village pao, Pin Nwe.

 

Une fois celui-ci en vue, nous avons accéléré et avons pu nous abriter sous le toit de la maison d’une vieille dame Pao. L’épreuve fut de se déchausser pour entrer dans sa demeure. Une fois cette rude tâche accomplie, elle nous accueillit chaleureusement malgré son âge. Cette grand-mère de 80 ans se mit alors à faire du feu pour nous permettre de nous réchauffer et de sécher nos habits. La maîtresse de maison nous offrit ensuite du thé que nous dégustâmes en silence. En retour, nous fîmes un frêle festin composé de bananes.

 

 

Pendant que la pluie tombait drue, nous essayions tant bien que mal de sécher nos habits en nous approchant du feu, mais cela ne donna pas de résultat concret. Nous avons donc pris quelques clichés avec cette vieille dame, et un portrait d’elle, qu’elle nous demanda de développer et de lui envoyer comme souvenir. Ce qui caractérise les habitants Pao, ce sont leurs longs habits noirs, et cette coiffe si particulière portée par les femmes, le plus souvent orange ou rouge. Des enfants du village sont alors arrivés sur le balcon de la maison dans laquelle nous nous trouvions, et contemplaient, béats, l’appareil photo de J.. Lorsque celui-ci captura cet instant et leur montra ensuite la photo, stupéfaits, ils éclatèrent de rire.

 

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A cet instant, comme par magie, la pluie avait cessé de tomber. C’est le moment que nous avons choisi pour reprendre notre route. Après avoir difficilement remis nos chaussures « légèrement » crottées, nous étions repartis pour le prochain village situé cette fois à 15 minutes du précédent. Notre guide nous équipa alors d’un bâton pour nous éviter de glisser. La route était toujours autant boueuse, mais le soleil avait décidé, pour notre plus grand bonheur, de pointer le bout de son nez. Cela permit à notre photographe officiel de prendre quelques photos des paysages riches en végétation.

 

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Lorsque nous sommes arrivés dans le deuxième village Pao, tous les habitants travaillaient dans les champs. C’est éreintant, car cela nécessite de la part des paysans de toujours garder le dos courbé. Nous ne sommes restés que quelques instants, car le village où nous devions déjeuner se trouvait encore à 90 minutes de marche.

 

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Sur le chemin, nous avons dû faire face à une difficulté encore jamais rencontrée. Le pont en bambou, dont les points d’appui se trouvaient au début et à la fin, car celui du milieu, trop petit, se balançait dans le vide. Vous pouvez observer le passage, avec brio, de cette difficulté par A.

 

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Nous avons sur la route également pu assister aux chutes de G. et A. à cause d’une même petite pente boueuse très vicieuse. Les paysages, essentiellement composés de champs, avec la montagne en arrière-plan, restaient magnifiques, et nous avons croisé la route d’une villageoise marchant pieds nus et portant un sac de riz d’on ne sait combien de kilogrammes…

 

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Lorsque nous sommes arrivés dans le village où nous devions déjeuner, nous avons été accueillis par un vieil homme qui s’affairait autour de son chaudron. Dans son domicile assez vaste, lui aussi en bambou, se cachait son petit fils assez joueur et intrigué par l’appareil photo. Il n’avait jamais dû en voir auparavant, car lorsque nous lui montrions les photos, il comparait l’écran et le visage de son grand-père pour s’assurer qu’il s’agissait bien de la même personne. Nous avons pu déguster du jus de tamarin, et avons eu pour déjeuner du riz. Mais attention, pas n’importe quel riz ! Nous avons eu l’honneur de goûter au même riz que les villageois, celui qu’ils font pousser dans leurs champs beaucoup moins pollués que les notres. Ce féculant possédait également la particularité d’être beaucoup plus nutritif que les riz habituels. Pour préparer notre riz frit, notre guide dut utiliser un long bambou et souffler sur le feu pour l’attiser, car ici il n’y a ni électricité ni eau courante. Le repas, bien que composé exclusivement de riz, fut délicieux !

 

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Après un très bref repos, notre guide nous signala qu’il fallait repartir car il était déjà 15H00, et il nous restait encore 3 bonnes heures de marche avant de rejoindre le monastère. Heureusement, il avait plu pendant que nous mangions, et le ciel était maintenant dégagé. Sur notre chemin, nous avons croisé plusieurs charrues, et un paysan dont les paniers ressemblaient étrangement à ceux des porteurs de soufre. Notre guide, toujours très gentil avait cependant accéléré la cadence, ce qui ne l’empêchait pas de s’arrêter pour nous donner des informations sur ce que nous voyions, et notamment la riziculture.

 

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Au bout de deux heures de marche, nous avons fait une pause en pleine forêt, et avons rencontré un Espagnol et une Américaine qui réalisaient le même parcours que nous. Ce seront d’ailleurs les seuls touristes que nous rencontrerons durant notre périple. L’Américaine se révéla cependant peu agréable, car après avoir discuté en birman avec leur guide, notre guide nous dit que celui-ci « n’était pas heureux avec la fille ». En outre, rivée derrière son appareil photo, elle prenait des clichés constamment et a pousé ce vice jusqu’à donner une cigarette à un habitant qui passait par là pour qu’il fume et qu’elle puisse prendre une jolie photo. Sans commentaires…

 

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Malgré notre état de fatigue, et la sueur qui imprégnait nos vêtements, nous sommes repartis gaiement pour notre dernière dernière heure de marche avant de rallier le monastère. Nous nous sommes tout de même arrêtés dans un petit magasin pour nous ravitailler en eau. Il ne nous restait plus qu’une petite demi-heure de marche. Sur la route nous avons croisé plusieurs moines, ce qui nous donna du baume au cœur. Nous étions tout proches.

Enfin, nous sommes arrivés, tandis que le soleil se rapprochait de l’horizon. Après avoir à nouveau ôté difficilement nos chaussures et nos chaussettes, nous avons rencontré un moine paralysé qui semblait être le supérieur. Notre guide, qui assurait la traduction, nous dit qu’il nous souhaitait la bienvenue au monastère, qu’il était heureux de nous accueillir, et qu’il espérait que nous nous y plairions.


 

Les moines avaient dressé un paravent, et posé sur un tapis trois petits matelas pour nous. Ce que nous pourrions presque appeler notre chambre nous apparut comme amplement suffisante bien que les couvertures soient en réalité des tapis.

 

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Le repas du midi ayant été très consistant, nous nous sommes contentés de crackers et du thé offert par les moines. L’éclairage à la bougie ne nous gênait pas du tout, l’absence d’électricité et d’eau courante ne se faisait pas sentir, et ajoutait même quelque chose à la magie du lieu.Il était à peine 19H30, mais la majorité des moines, levés depuis 5 heures du matin, dormait. Nous avons chuchoté jusqu’à ce que notre bougie soit entièrement consumée, et avons ensuite tâché de dormir. Nous ne vous cacherons pas que cela n’a pas été aisé. Les frêles matelas n’enlevaient rien à la dureté du sol, et, malgré notre fatigue, il nous fallut plusieurs heures avant de trouver le someil.

A 5 heures pile, des chants bouddhistes se mirent à retentir dans le monastère, et nos fragiles oreilles pâtirent un peu de ce brusque et prématuré réveil. Pendant 40 minutes nous avons pu entendre des prières de très jeunes moines, lesquels se mettaient parfois à crier. Il faut noter que ce monastère ne recueille que des orphelins qui partent quand ils deviennent adolescents. La moyenne d’âge des moines de ce monastère était donc très faible. Nous nous sommes quand même rendormis après ces prières, pour nous relever à 7H00.

 

Nous avons préparé nos affaires, puis avons écrit un mot sur le carnet que tiennent les moines, et fait une donation à l’orphelinat. Le moine paralysé nous en remercia et pria pour nous. Nous étions donc prêts à affronter les 20 kilomètres restants pour rejoindre le village où se trouvait l’embarcadère d’où nous pourrions prendre le bateau et rejoindre le lac Inlé.

 

 

En partant, nous vîmes un jeune moine accolé contre l’escalier qui accepta de se faire photographier. Nous voulûmes tout de même, pour nous rappeler de ce moment extraordinaire, prendre une photo avec les moines. Notre guide appela les quelques-uns qui se trouvaient là, mais ils n’étaient qu’au nombre de trois. Alors qu’il allait prendre la photo, au moins une dizaine d’autres, qui revenaient du village le plus proche, accoururent pour figurer sur la photo ! Nous étions aux anges et eux aussi. Cette photo restera un grand souvenir pour nous.

 

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Il n’y avait que peu de nuages dans le ciel, ce qui permettait au soleil de pouvoir briller, et par conséquent pour nous de prendre de belles photos. Nous avons également voulu nous souvenir du monastère que nous n’avions pas pu prendre en photo la veille à cause de la nuit tombante. Nous avons rectifié cette erreur. Puis, alors que nous allions partir, plusieurs femmes Pao ont voulu se faire photographier devant le monastère.

 

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Après toutes ces photos, nous nous sommes mis en route, car il nous restait tout de même encore 20 kilomètres à parcourir. Néanmoins, les conditions météorologiques étaient bien meilleures, et la route, à la différence de la veille, était celle utilisée par les voitures et les scooters. Nous avons donc pu prendre de bien meilleures photos des paysages grâce à la lumière du soleil. Sur la route, toutes les personnes que nous croisions, que ce soit sur la route ou dans les maisons la bordant, nous souriaient et lançaient un chaleureux « hello » ou en birman « mingala ba ». Ainsi avons-nous pu capturer des moments magiques, notamment de petits garçons, qui sont très intrigués par la présence d’étrangers.

 

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Notons que pour cette photo, J. dut grimper sur un chemin escarpé de montagne qui n’était pas sur notre route.

 

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Un peu plus loin, alors que nous étions doublés par une charrue, notre guide lui demanda de s’arrêter pour nous permettre d’y monter et prendre une photo inoubliable. Le conducteur fut quant à lui enchanté, car c’était pour lui un honneur. Il repartit ensuite comme si de rien n’était pour continuer sa dure journée de labeur.

 

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Comme nous marchions sur la route empruntée par les automobilistes, il y avait beaucoup moins de champs à proximité. Nous nous contentions de marcher à une cadence assez élevée, car nous devions être vers  midi à l’embarcadère. Nous nous sommes toutefois, au bout de deux heures, engagés sur un chemin qui nous permettrait de couper à travers champs, et donc arriver plus tôt. C’est sur cette route que J. a immortalisé le visage d’un très jeune garçon dont la mère travaillait dans les rizières. Ce que vous pouvez voir tout autour de lui sont les tiges du riz.

 

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Nous avons ensuite marché pendant deux heures sur un chemin terreux mais séché par le soleil, ce qui donnait une impression désertique. La végétation était beaucoup moins présente que la veille. Nous avons souffert pendant ces deux heures, car nous portions de lourds sacs, et nos muscles imploraient ardemment du repos.

 

Quand enfin nous sommes arrivés à l’embarcadère, nous nous sommes empressés de nous asseoir pour reposer nos gambettes. Nous en avons profité pour prendre une photo avec le guide avec lequel nous venions de passer deux jours fabuleux. Ce guide restera sans doute la plus belle rencontre de notre voyage. En effet, outre son extrême gentillesse et la parfaite connaissance de son sujet, c’est son histoire personnelle qui nous a profondément touchés. Né de parents pakistanais, il n’a pu obtenir la nationalité birmane (il faut être Birman depuis trois générations), ce qui complique énormément sa vie. De nombreuses professions lui sont ainsi « interdites », et, dès qu’il quitte sa région, il doit demander un permis et s’acquitter d’environ cinq euros. De plus, il a connu de graves problèmes de santé qui l’ont obligé à se faire opérer, et pour ce faire, emprunter une grosse somme d’argent. Deux ans après son opération, et malgré l’aide de ses proches, il doit encore rembourser 6 000 dollars, l’équivalent de vingt ans de salaire ! Pour s’acquitter de sa dette, il est donc obligé de multiplier les treks avec des touristes, en dépit de ses problèmes de santé. Malgré cela, il reste extrêmement fier et courageux, faisant tout son possible pour ne pas laisser de dette à ses enfants. Pour conclure son émouvant récit, il a simplement ajouté un « c’est la vie ». Quelle leçon de vie pour nous, Occidentaux qui nous plaignons au quotidien de choses plus futiles les unes que les autres !

 

 

L’heure de prendre le bateau arriva rapidement, et c’est avec émotion et regret de ne pas continuer plus longtemps avec lui, que nous quittâmes notre valeureux guide.

 

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M
<br /> Là vous avez atteint le top et je pense que vous avez donné envie à plusieurs personnes de découvrir la Birmanie et ses habitants...<br /> <br /> <br />
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